Impact et sens

Comment agir sur le désengagement ?


Comment repérer les premiers symptômes du désengagement et comment agir pour retrouver l’équilibre dans son activité professionnelle, avant d’atteindre un point de non retour ?


Le désengagement, mal du siècle dans les open spaces, ou prophétie auto-réalisatrice à la mode ? Évacuons d’entrée l’idée selon laquelle le désengagement serait un phénomène de mode, à prendre à la légère : en 2022, le Baromètre Imagreen Kantar évaluait à plus de 57 milliards d’euros la masse salariale des collaborateurs désengagés, qui ressentent un conflit entre leurs convictions personnelles et leur vie en entreprise.

Cela concerne plus de 2,3 millions de salariés, selon une étude réalisée auprès des entreprises françaises de plus de 100 salariés — et l’on ne parle ici que des personnes désengagées en raison de leur conflit de valeurs, à l’exclusion de toutes celles qui peuvent l’être pour d’autres raisons (personnelles, familiales, de santé, etc.)


Ce phénomène est donc bien loin d’être marginal, et si des millions de personnes peuvent en faire l’expérience, c’est que vous en faites peut-être partie. Comment se manifestent les premiers signes du désengagement ? Peut-on y remédier, si oui comment, et pourquoi ?


Premier symptôme du désengagement : l’ennui

On n’est pas censé s’ennuyer sur son lieu de travail. On peut s’ennuyer dans une file d’attente, à La Poste, à l’entrée d’un cinéma ou d’un musée, mais personne n’est censé ressentir un ennui pesant, étourdissant, abrutissant, pendant ses heures de travail.


A priori, si un employeur a décidé d’allouer un budget pour pouvoir bénéficier de votre force de travail — qu’elle soit physique ou intellectuelle — c’est pour mettre vos capacités au service d’un projet. Ce n’est pas pour vous voir déambuler dans l’open space, sans but et sans destination.


…Sauf si vous êtes un mannequin haute-couture, mais il est tout de même difficile de se retrouver dans cette situation par inadvertance.


Dans toute autre hypothèse, vous devez avoir un but. Des objectifs. Des moyens pour les atteindre. Vous avez des missions, que vous devez réaliser seul·e ou en collaboration avec d’autres salarié·es.


Et — nuance absolument primordiale — ces missions doivent avoir un sens. Vous devez pouvoir comprendre ce que vous faites, pourquoi vous le faites, à quoi vous contribuez. Cela ne signifie pas que toutes les tâches qui vous sont demandées sont nécessairement agréables : cette appréciation est profondément subjective. En revanche, ce qu’on vous demande doit avoir du sens.


On peut passer son temps à classer des dossiers : prendre soin de ranger et d’archiver rigoureusement des documents relatifs à des projets de long terme, cela a du sens. Mais on ne peut pas passer son temps à reclasser différemment des dossiers tous les jours, en défaisant le lendemain ce qu’on a fait la veille. Ça n’a pas de sens.


Vous pouvez occuper un poste qui, sur le papier, a beaucoup de sens, voire même de la reconnaissance sociale. Si, au quotidien, vous ne trouvez pas de sens dans ce que vous faites, la situation doit vous alerter.


Je m’ennuie au travail, que faire ?

Le meilleur conseil dans cette situation est bien sûr d’en parler à son ou sa manager, dans les meilleurs délais. “Je m’ennuie” n’est pas la formulation la plus heureuse pour aborder le sujet : en employant ces termes, vous décrivez le symptôme, pas le problème. Or, votre manager n’est pas médecin. Son job n’est pas de proposer des remèdes, son job est de vous accompagner dans le bon déroulement du vôtre.


Dites plutôt : “je manque de perspective dans mon travail”, et développez le manque de sens que vous ressentez au quotidien. Prenez des exemples concrets pour expliquer en quoi telle ou telle tâche tend à aspirer toute l’énergie vitale en vous, et développez les missions sur lesquelles vous aimeriez plutôt pouvoir déployer cette énergie.


On ne peut pas vous promettre que tout ira mieux du jour au lendemain, mais on peut vous assurer que rien n’évoluera si vous ne commencez pas par communiquer sur vos ressentis, et sur vos aspirations.


Vous savez peut-être déjà que votre situation est une impasse, et vous aspirez déjà à changer de poste, au sein de votre entreprise ou en dehors. Si c’est le cas, suivez votre instinct, et prenez votre carrière en main ! C’est encore le meilleur remède contre cet ennui anesthésiant. 


Deuxième symptôme du désengagement : la dissonance

Peut-être que vous vous plaisez parfaitement dans votre job. Vos missions sont alignées avec vos savoir-faire, tout en vous permettant d’explorer les environs de votre zone de confort, et de pouvoir ainsi progresser sans vous mettre à l’épreuve.


Oui, mais… Quelque chose grippe cette mécanique d’apparence bien huilée. Oh, rien de grave. C’est de l’ordre du détail. Ce sont des remarques qui vous font hausser un sourcil — est-ce que ces mots ont leur place dans l’environnement professionnel, vous dites-vous intérieurement ? Mais personne ne semble réagir.


Ce sont peut-être des “petits gestes manqués”. Ça vous agace de trouver des lampes allumées dans tous les sens, dans l’open space déserté, parfois en pleine journée. Ça vous agace aussi, ou plutôt ça vous fait plisser des yeux, ce décalage entre les beaux mots qu’on imprime sur les flyers, les posts LinkedIn et les kakémonos, et ces actions qui ne voient pas le jour, ou celles dont on ne discute même pas. “Pas la priorité”, dit-on. Pourtant, pour vous, ces sujets sont des priorités.


Ce décalage que vous ressentez, entre vos convictions de citoyen·nes et votre quotidien en entreprise, vous êtes plus de 3,7 millions de salarié·es à les ressentir. Près de 40% des salariés du privé, évoluant dans des entreprises de plus de 100 salariés, ressentent cette dissonance. Et pour 2,3 millions d’entre eux, ce sont les questions sociales et environnementales qui sont à l’origine de cette dissonance. 


Alors si le manque de respect des pratiques de recyclage ou les blagues sexistes vous hérissent à la machine à café, vous êtes loin d’être seul·e. Vous êtes — au grand minimum — 2,3 millions.


J’ai un conflit de valeurs au travail, que faire ?

Disons-le d’entrée de jeu : reculer devant l’obstacle ne fera qu’empirer la situation. Si vous vous retenez d’intervenir, un jour, une goutte d’eau fera déborder le vase et vous risquez d’adopter une attitude absolument pas professionnelle : vous risquez de hurler de manière incohérente sur le premier venu.


Pour éviter cette situation malencontreuse, il suffit d’ouvrir le dialogue dans des conditions propices à la discussion. Vous pouvez commencer à tâter le terrain auprès de collègues en qui vous avez confiance, avec lesquel·les vous pensez partager les mêmes valeurs. Vous pouvez, ensemble, compiler des suggestions d’action, puis solliciter un rendez-vous avec la Direction des ressources humaines, ou tous autres intermédiaires appropriés pour un dialogue social au sein de l’entreprise.

Peut-être que ce conflit de valeur se révèlera insoluble.

Peut-être que l’entreprise a une culture machiste, qu’elle ne s’inscrit pas dans la transition sociale et environnementale, et que vos efforts seront totalement vains.

Mais au moins, vous serez fixé·e. Et si vous devez décider de partir, vous n’aurez pas de regrets.


Troisième symptôme du désengagement : l’inertie

Vous, le désengagement, ça ne risque pas de vous arriver : vous adorez votre job, et en plus, vous adorez votre entreprise ! Vous aimez son objet, ses missions, et celles que vous effectuez en son sein. Vous aimez l’ambiance et les gens avec lesquels vous avez la chance de travailler au quotidien.


Vous avez raison, il y a là tous les ingrédients d’une idylle professionnelle ! Oui, mais… vous avez du mal à mettre le doigt dessus, vous savez pourtant qu’il y a comme une ombre au tableau.


Ça stagne. On est d’accord sur les buts, les valeurs, mais pour un multitude de raisons qui échappent à votre contrôle — et parfois même à votre compréhension —, ça stagne. « Ça », c’est-à-dire le projet d’entreprise, qui vous faisait rêver sur le papier, qui a embrasé votre quotidien, mais qui est en train d’étouffer sous la cendre, faute d’être entretenu, nourri, ravivé.


L’inertie du quotidien professionnel est en train de consumer votre enthousiasme. Que faire ?

Il y a fort à parier que cette situation est vécue par l’ensemble du collectif. Le reconnaître ensemble est déjà un moyen de mieux le supporter. Ensuite, ça vaut le coup de chercher à identifier les causes : est-ce dû à un événement externe ? La crise du covid a freiné les ardeurs de bien des boîtes pleines de promesses. Ce peut être une mauvaise passe temporaire.


Est-ce dû à un événement interne ? Une erreur de casting à un poste stratégique peut paralyser plusieurs équipes. Dans tous les cas, la première étape consiste une fois encore à prendre la parole, remonter les ressentis à la hiérarchie, et proposer des pistes d’actions.


Peut-être qu’une carence managériale entrave plusieurs développements de projet, mais peut-être que les talents et les compétences sont disponibles en interne pour pouvoir pallier le ou les problèmes rencontrés.


Là encore, c’est en ouvrant le dialogue que vous pourrez aboutir à des pistes d’action, permettant de vous sortir de l’embourbement que représente l’inertie.


Symptômes psychosomatiques du désengagement : l’urgence à agir

28% des salariés désengagés ressentant une dissonance viennent travailler avec la boule au ventre. Mais ce n’est pas le seul symptôme de somatisation observé en cas de mal-être au travail : troubles du sommeil, de l’appétit, irritabilité au travail ou en dehors, douleurs physiques…


Quels que soient les symptômes qui apparaissent progressivement, et quelles que soient les raisons pour lesquelles ils persistent, votre première priorité doit être le repos.


En effet, la somatisation est le fait de ressentir une réponse physique, organique, à un stress psychologique. Il n’y a pas d’autre remède que de faire cesser le stress en question.


Que faire en cas de symptômes psychosomatiques ?

Si, à l’issue d’une période de repos au cours de laquelle les symptômes avaient disparu, cette amélioration ne persiste pas, il n’y a pas 36 solutions.


Vous êtes probablement dans un environnement professionnel qui ne réunit pas les conditions nécessaires à votre épanouissement, et ce n’est pas nécessairement la faute de l’un, ni de l’autre. Nous ne sommes pas des pièces inertes interchangeables dans des environnements standardisés, nous sommes des êtres humains extrêmement divers, et nos entreprises sont des collectifs organiques et mouvants.


On peut très bien s’épanouir dans une entreprise un temps, et ne plus pouvoir s’y projeter par la suite. C’est humain. L’essentiel est de savoir se l’admettre, et pouvoir se mettre en recherche d’emploi avant de s’abîmer la santé.


Il vaut mieux, pour toutes les parties intéressées, pouvoir planifier et organiser un départ, plutôt que de déraper dans un burn out.


Et vous, avez-vous déjà vécu l’une des situations décrites ? Comment l’avez-vous gérée ? Quelles ont été les conséquences ? Partagez votre témoignage !

Cet article a été écrit par imagreen .

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